J’ai vécu quelques épisodes d’épuisement dans la dernière décennie. Ce n’est que tout récemment que j’ai bien compris l’origine de ces phases, ou plutôt «les origines», puisqu’elles changent selon le contexte. L’exercice du vase, que je vous présente dans cet article, m’a beaucoup aidée à concrétiser et à comprendre ma situation. C’est un bon outil pour avoir une vision d’ensemble, et pour trouver des solutions ou plus facilement lâcher prise.
L’exercice du vase fait réfléchir sur 5 éléments qui forment le portrait d’une dynamique énergétique individuelle. Ce n’est pas un exercice scientifique, ni un outil utilisé en psychologie; juste une mise en image que j’ai élaborée pour m’aider à comprendre et à expliquer mes propres enjeux, et à leur trouver des solutions.
Élément 1: l’eau, ou l’énergie
Dans cet exercice, l’énergie est représentée par de l’eau (ça pourrait être un autre liquide, à votre préférence). L’eau est fluide, en quantité potentiellement renouvelable et donc infinie, comme l’énergie.
Comme l’eau, l’énergie peut prendre différentes formes et être plus ou moins fluide.
Élément 2: le vase, ou l’énergie d’une période X
Le vase représente la quantité d’eau (ou d’énergie) que l’on «détient» ou dont on profite, pour une période donnée. Ce peut être une journée, un mois, la durée d’une conférence, etc., selon ce qui est pertinent pour vous.
Pour ma part, une période d’une semaine me permet d’inclure les aspects familiaux, professionnels, amoureux, personnels, etc. sans trop entrer dans le détail. Le vase représente donc mon potentiel d’énergie pour une semaine.
Élément 3: le robinet, ou les sources d’énergie
Le robinet représente ce qui apporte de l’énergie, donc tout ce qui «énergise». Sans énergie, impossible de fonctionner. Avec une énergie réduite (ou un mince filet d’eau, ou une quantité restreinte), on fonctionne de façon ralentie, insatisfaisante, voire éventuellement dangereuse pour la santé mentale et physique.
Les sources qui alimentent le robinet varient d’une personne à l’autre selon différents facteurs: nature introvertie ou extravertie, contexte familial, occupation, marge de manœuvre avec son horaire, etc. Il est important d’identifier vos propres sources d’énergie afin d’assurer le remplissage de votre vase.
Par exemple, je suis une solide introvertie, donc j’ai besoin de solitude pour recharger mes batteries. Une personne extravertie aura, au contraire, besoin de s’entourer.
Aussi, je suis plus efficace lorsque j’ai de l’espace, qu’il soit physique ou temporel. Les échéanciers très serrés ne me stimulent pas du tout, même si je suis capable de les respecter. Les endroits encombrés et désordonnés nuisent à ma concentration. D’autres personnes ont besoin de leur cocon pour être productives, ou encore de suivre un horaire strict.
Autre exemple: dans une journée, je fonctionne bien par périodes d’intense productivité, entrecoupées de pauses. Dans une semaine, je préfère aussi répartir la charge de travail sur l’ensemble des jours afin de me reposer au travers en continu. D’autres personnes préféreront attendre à la dernière minute et profiter de l’adrénaline de la pression, et d’autres «clancheront» le travail afin de se reposer pendant quelques jours consécutifs.
Évidemment, ces éléments sont des généralisations et des idéaux. Je suis capable de gérer une remise de dernière minute, une période de travail plus chargée, etc. Aucun problème si c’est occasionnel: l’idée n’est pas d’avoir un débit parfaitement régulier. Par contre, des sources d’énergie constamment variables ou taries peuvent conduire à l’épuisement. Ce qui nous mène à…
Élément 4: les trous, ou les fuites d’énergie
Les trous correspondent à ce qui «prend» de l’énergie. Les ouvertures varient en diamètre, en hauteur, en durée de vie, etc. selon leur nature, la vôtre, le contexte, etc. Tout vase a des trous, puisque vivre – et survivre! – implique de dépenser de l’énergie. Un trou n’est donc pas nécessairement problématique.
Ainsi, il y a des trous de grosseur «normale», situés à la moitié du vase ou plus haut. Ces trous représentent des activités courantes: travailler, s’occuper de la famille, cuisiner, entretenir des amitiés, etc. Ces activités «prennent» de l’énergie, mais pas de façon excessive: elles ne vident pas complètement le vase.
Certains trous se résorbent avec le temps. Ainsi, devenir parent peut créer de gros trous d’énergie dans le vase, surtout au début. Au fur et à mesure que bébé grandit et gagne en autonomie (et qu’on retrouve un rythme de sommeil normal!), ces trous rapetissent, remontent un peu, et deviennent moins critiques.
D’autres trous peuvent se créer au fond du vase, mais de façon très temporaire: un rush au travail, un épisode de gastro avec de jeunes enfants, un déménagement, etc. L’énergie est alors vite dépensée, et il est difficile de répondre aux besoins plus en hauteur sur le vase, qui tiennent davantage de la routine.
À noter que les «fuites d’énergie» n’équivalent pas à des fuites de bonheur. On peut être heureux et complètement épuisé. Lorsque cet état d’épuisement est temporaire, ça se gère bien. Toutefois, lorsqu’il perdure, et selon la nature des fuites, il peut affecter le moral. Il est alors important de trouver des solutions (on y arrive!).
L’accumulation de trous peut aussi poser problème. Un grand nombre de petites fuites mène à un vase aussi vide que quelques trous de grande ampleur. C’est là que l’exercice du vase peut être révélateur, à mon avis. Parfois, on minimise l’impact d’avoir de multiples engagements: «Oui mais c’est juste ça, ça ne me prend pas de temps, ça me fait plaisir, etc.» OK, mais si l’eau fuit votre vase plus vite qu’elle y coule, vous voilà en déficit d’énergie.
Élément 5: les solutions aux fuites
Bonne nouvelle: les trous dans le vase ne sont pas permanents. Différentes solutions permettent de réduire les fuites, voire de les arrêter. Selon la nature du trou, les circonstances, les moyens disponibles et les priorités, elles pourront être priorisées et/ou combinées.
- Le temps: on l’a mentionné plus haut, le temps peut réduire le diamètre des trous, les faire remonter sur le vase ou les boucher complètement. Notre contexte de vie évolue au fil des ans. On termine l’école et les boulots à temps partiel, les enfants vieillissent, etc.
- Les patchs: ce sont des solutions temporaires, adéquates surtout pour de petites fuites. Par exemple, le manque d’énergie lié à une mauvaise nuit peut être compensé par une ou deux tasses de café supplémentaires. Par contre, plus de caféine ne sera pas d’un grand secours pour quelqu’un qui ne dort pas plus de 2 heures consécutives depuis plus de deux ans (merci, bébé no2 #casvécu).
C’est comme mettre une patch de 4 pouces carrés sur une toile de tente de camping déchirée de bas en haut: inutile. La même patch sera pertinente sur trou isolé et de petite dimension. - Le plâtre: c’est une façon plus solide de boucher des trous. Elle demande plus d’efforts, plus d’application, et les joints peuvent demeurer fragiles. Le plâtre correspond à des solutions plus exigeantes à appliquer, mais aussi plus durables: se mettre sérieusement à l’exercice, commencer une thérapie, se distancer d’une personne toxique, etc.
- Les bouchons: lorsqu’il y a parfaite correspondance entre le bouchon et le trou, l’eau cesse de fuir. Le «problème» est alors réglé de façon durable. Toutefois, trouver et insérer le bouchon parfait peut être difficile. Concrètement, il s’agit de décisions qui changent le cours d’une vie: mettre fin à une relation toxique, quitter un emploi, etc.
Ça ne se fait pas à la légère, puisque c’est (pratiquement) permanent. Ce qui est justement l’intérêt!
Patcher une fuite lorsque le vase est vide
Un problème majeur en cas d’épuisement, c’est que trouver et appliquer une patch, de la potée ou un bouchon demande aussi de l’énergie. Difficile de réparer son vase lorsque des trous béent au fond et qu’on n’est plus capable de fonctionner.
Il faut alors aller chercher de l’aide, la moindre soit-elle.
Voici quelques ressources pour les vases vides:
- Si votre moral est affecté profondément, composez le 1-866-APPELLE (Centre de prévention du suicide du Québec)
- Le PAE de votre employeur peut offrir un service de soutien et vous mettre en contact avec différents intervenants, incluant des psychologues ou psychothérapeutes.
- Psychothérapeutes et psychologues sont formés pour vous aider à trouver les patchs, plâtre et bouchons adaptés à votre situation.
- Votre conjoint ou conjointe, votre famille élargie, vos amis, vos voisins… Parfois, une discussion sur les besoins ou un coup de main pour le quotidien fait une grande différence. Vous pouvez changer la répartition des tâches ménagères, discuter au téléphone plutôt que de vous voir en personne, demander qu’on tonde votre pelouse si sortir est trop exigeant en ce moment, etc.
Un exercice de compréhension et de lucidité
L’exercice du vase fournit une vue d’ensemble qui permet de bien comprendre une situation, ses besoins et ses enjeux.
Il aide à voir ce sur quoi on a le contrôle et ce sur quoi il vaut mieux lâcher prise. Cela permet de mieux cibler les efforts, ainsi que de faire la paix avec les fuites inévitables.
De plus, il peut rendre lucide quant aux solutions choisies (une patch n’est pas un bouchon: c’est mieux que rien, mais la fuite perdure!).
Je vous invite à prendre un moment pour réfléchir à votre propre vase d’énergie. Votre flux d’eau est-il régulier, ou bien votre vase est-il constamment à sec? Quelles sont vos sources et vos fuites d’énergie? Certaines fuites sont-elles problématiques? Quelles solutions pouvez-vous mettre en place pour améliorer votre gestion d’énergie?
Je vous fournis un format imprimable de l’exercice (format PDF). N’hésitez pas à l’utiliser!
Bonne réflexion!
Crédit des icônes
Les icônes utilisées pour créer le visuel de l’exercice viennent de Flaticon. Voici les crédits respectifs :